*** Une axiomatique de la mondialisation
Nous nous contentons de livrer en vrac les pièces du puzzle, sou une forme très axiomatisée. Il vous appartiendra de relier tous ces concepts. Je les range par ordre d'importance.
L'Hypermoule
Ce que je nomme "hypermoule" dans une organisation, est l'ensemble des acteurs et des activités, qui produisent des produits-services innovants, spécifiques, et créatifs.
L'artisanat produisait de tels produits-services aux clients bien identifiés, et exclusivement pour eux. C'était le sur-mesure,et les artisans étaient des maçons, des décorateurs, des portraitistes, des bottiers, des lingères, des couturières, ou des menuisiers -ébénistes .Ils étaient polyvalents : à la fois créateurs, exécutants, commerçants et formateurs.
Grâce à l'industrialisation, la division du travail permit de séparer les activités de création et celles de réplication. Or ces dernières sont routinières et peuvent être confiées à des esclaves, voire à des enfants ou des robots. La proportion entre valeur de création/valeur de réplication, va en diminuant avec le nombre de produits-activitéés semblables produits par un même hypermoule. Le prix de revient diminue de même et on peut vendre à des prix compétitifs des produits vendus à des millions d'exemplaires par jour, comme les téléphones Nokia par exemple.
LA globalisation et la mondialisation est une conséquence directe de la notion d'hypermoule. En fusionnant des entreprises, on ferme les hypermoules superflus et on augmente le nombre de clones produits par hypermoule. Tous comprennent ce raisonnement dans le rapport moule, objet moulé. Plus le nombre d'objets produit par le moule augment, plus la valeur ajoutée créative par rapport à la valeur dégradée de réplication va en diminuant. La différence entre la notion d'hypermoule et celle de moule, réside dans la globalité de celle-là. Le moule est une machine fabriquée artisanalement par un artisan, et crée par le dseign d'un projeteur imaginatif, disons "un cerveau et une main". La réplication est faite par des machines, électronique ou humaines, mais où les qualités spécifiques du cerveau ne sont pas utilisées.
L'hyper-moule englobe au delà des machines, ceux qui font des stratégies, de la recherche, des modèles... Je me souviens que Lindsay Owen Jones, alors président de l'Oréal, me vantait la supériorité de l'unification des publicités. Auparavant chaque bassin culturel employait des créateurs qui dessinaient le logo, les slogans, le décor, de la pub télévisée. En adoptant un logo unique : le mot "Paris" en haut et le slogan "L'Oréal parce que vous le valez bien", on fait l'économie d'un certain nombre d'agences de Pub.
Il est évident qu'un corollaire de la massification induite par le concept d'hypermoule poussé à ses limites extrêmes, est une banalisation également extrême. Or cela ne nuit nullement lorsqu'il s'agit de papier de toilette, ou d'eau minérale, mais peut poser des problèmes pour des produits dont on attend une certaine variété et une adaptation à des besoins spécifique d'un client individuel. Celui-ci (ou celle-ci) accepte d'avoir le même débouche évier que son voisin, mais moins de lui voir porter la même cravate ou la même robe que lui.
Cette constatation simple a été raffinée et validée par les études d'éminents spécialistes américains en management. Ils sont issus de la théorie de la contingence de Lawrence et Lorsch, réactualisée pas la théorie du "slack" de Jay Galbraith. Ces travaux essayent de définir quelle est la meilleure forme d'organisation pour une entreprise, et ils ont trouvé que le niveau de qualité, la variété, l'adéquation au client, sont un paramètre déterminant dans la définition d'un équilibre.
Les entreprises géantes, centralisées, bureaucratisées sont mieux adaptées à des produits-services banaux et stables dans le temps. Le pétrole, le sucre, les détergents, vendus préemballés dans des supermarchés d'où le service à la clientèle est réduit au minimum sont adaptés aux multinationales couvrant le monde entier, et ayant le coefficient valeur ajoutée créatice/valeur ajoutée routinière le plus faible.
Au contraire, les produits très personnalisés, adaptés aux désirs raffinés et changeants d'une clientèle consciente de sa valeur et de son goût, sont produits à meilleur compte dans des PME, voire par des artisans. C'est le cas des modèles sur mesure créés par les grands couturiers, des concerts d'un grand pianiste, du tableau d'un grand artiste contemporain. En revanche le prêt à porter (dont le moule est créé par des artisans), le tube téléchargé, les posters et les répliques sur des tee-shirts de la Joconde, sont banalisés et ont une faible valeur créative ajoutée.
Marx opposait le travail créatif qui est le propre de l'homme et qui l'engage en totalité combinant passion et méticulosité, et le travail animal qui est "travaillé" par l'homme et dépourvu de toute spécificité individuelle de l'artisan. La globalisation en multipliant les clones, diminue par conséquent la part humaine du travail inclus dans le produit vendu en augmentant la part animale. On remplace alors le thé, préparé selon des rituels raffinés, par le coke, les sandales sur mesure par les Nike (y compris pour bébé).
Or l'homme a quelquefois besoin de produits et de services adaptés à son goût personnel, et variant avec les circonstances. Or les multinationales ne peuvent concurrencer les PME sur le terrain du sur-mesure et de l'adaptation aux besoins individuels. Elles doivent renoncer à l'adaptation de ses produit-services aux désirs et aux besoins individuels. Elle compensent cette carence - tolérable pour des produits banaux - par des simulacres, et en désinformant la clientèle de telle sorte qu'elle croie avoir affaire à un produit-service analogue à celui d'un artisan, et infiniment moins cher! La désinformation portant notamment sur les mots-cultes et les slogan, on voit apparaître des terme qui prétendent signifier le contraire de ce qu'ils sont. Ce processus s'appelle l'assimilation. Les mots leurre tels que "nouveau" "personnalisé" sont déclinés selon toutes les modalités sémantiques. On a bien affaire à de la désinformation puisque :
1. On ne ment pas vraiment : le produit prétendument nouveau peut différer du précédent par une différence minime, mais c'est un critère subjectif. De même le mot "personnalisé" peut être numéroté à 1000 ou 1 000 000 d'exemplaires. Deux objets auront donc des numéros différents.
2. La distorsion du réel est intentionnelle.
3. On s'emploie à la rendre aussi souterraine que possible.
Le problème posé par cette évolution de la désinformation, est le nivellement du goût chez les consommateurs, qui finissent par s'adapter aux contraintes de la multinationale, et en définitive à celle du profit maximum immédiat exigé par la bourse. On peut même affirmer que les clients devenus des consommateurs, ne connaissent même pas les produits originaux mais uniquement les simulacres. Lorsque d'aventure il rencontrent des produits authentiques ils sont déçus. Ils préfèrent le cinéma au théâtre, l'écouteur au concert, la sono au concert, l'orangina au jus naturel. Le mimétisme est bien entendu un puissant allié du clonage.
Le paradoxe réside en ce qu'avec la réduction des hypermoules pas les fusions d'entreprise, les maîtres de l'hypermoule, sont investis d'une responsabilité considérable car en cas d'échec, des investissements considérable passent en fumée. En compensation ils sont payés en conséquence, et ces nouveaux riches ne se contentent pas des produits dont ils inondent le marché. Les architectes et les promoteurs des barres et des lotissements, vivent dans des châteaux ou des fermettes luxueusement aménagées, les patrons des machines à laver le linge, dorment dans les draps brodés à leurs initiales, et des lingères les confectionnent, des domestiques les lavent à la main. Les patrons de LIndt et de Crabtree, utilisent des produits naturel préparés selon des recettes innovantes. (Lindt dans ses paquets de chocolat industriel, fait figurer un Monsieur barbu, le fondateur, qui nous affirme qu'il a contrôlé personnellement les barres de chocolat, comme étant conforme à sa recette originale. On n'ose plus parler de désinformation tant le mensonge est patent. Mais il produit son effet, et je gage que le client d'un Hyper préferera le produit frelaté "vu à la télévision" et clamant son authenticité, que le produit artisanal authentique.
Morale de l'histoire :
Le mensonge est fait pour séduire, la vérité n'est qu'elle même. Un mensonge mille fois répété par mille voix, devient vérité. Une vérité contredite mille fois par mille voix devient mensonge.
Ceci est évidemment applicable aux campagnes électorales, ouvertement inspirées par la stratégie des multinationales : assimiler la population plutôt que de s'adapter aux personnes.