Friday, 6 July 2007
Théorie de l'Information psychologique (TIP)
Axiomes de départ et premières définitions
Spécificité du conscient. Le dilemme psychophysiologique (suite)
Si nous prolongeons le raisonnement de Niels Bohr relatif à l’inexistence de la notion de présent dans les théories scientifiques, la sensation de présent étant secrétée par notre conscient, nous aboutissons à une vision choquante pour certains et improbable pour d’autres.. Mais la rejeter nous forcerait à admettre l’impossible. (cf. Quand on l’écarte l’impossible, l’improbable devient vérité).
Il nous suffit, en l’état actuel de nos connaissances, d’admettre que notre champ de représentation R, est en quelque sorte plat (c’est-à-dire à trois dimensions au lieu de quatre) dans l’hyperespace à quatre dimensions : longueur, largeur, hauteur, ligne d’univers. Il n’a aucune épaisseur temporelle, au contraire du monde matériel dans lequel il baigne, et en particulier du cerveau.
Ce dernier est déployé en acte dans les quatre dimensions et ne « sait pas » plus que les autres objets inanimés ce qu’est le présent. R est donc partie d’un « hyperplan » commun sans doute avec l’espèce humaine, et peut être avec le monde vivant tel que nous le percevons, hyperplan à trois dimensions et parcourant la ligne d’univers selon une translation pratiquement irréversible. (cf. l’image de la saucisse relativiste et du train de la vie). Tout au long de cette traversée, la trace des événements s’accumule aussi bien dans notre cortex (mémoire biologique) que dans l’univers tout entier (comme les couches concentriques que l’on admire dans la section des arbres millénaires).
Ce que nous nommons le passé, n’est autre que la réception d’états actuels (au croisement entre l’hyperplan et l’hypervolume du cortex) et n’a rien à voir avec une réelle incursion dans un passé qui nous échappe. Les systémistes nous apprennent que le temps est une succession d’états, et qu’on ne peut avoir accès à l’histoire du système que par le recours à l’état le plus récent .
L'épaisseur temporelle du présent
Cependant, ce que nous appelons le présent n’est curieusement pas dépourvu d’une épaisseur temporelle u. Paul Fraisse dans « psychologie du temps » affirmait déjà que l’instant (situation de R où aucun élément ne bouge) dure d’un trente sixième de seconde (états hypnagogiques) à 16 secondes (méditation yoga, où le temps semble suspendu). C’est le passage d’un état au suivant qui donne l’impression de mouvement, comme un film composé d’images fixes qu’on fait défiler à grande vitesse. Les images sont ici, les champs de représentation R, successifs dont le défilement est à sens unique : translation le long de la ligne d’univers, du passé au futur.
Les réductionnistes assimilent l’esprit au cerveau, son siège est dans le cortex et il n’est qu’un épiphénomène à vrai dire encombrant, du mécanisme hormonal qui régit d’après eux notre pensée. Je pense donc je suis, pourrait se traduire par : mon cerveau émet des hormones, donc je suis. D’une manière plus raffinée on pourrait prétendre que l’esprit est une carte dont le substrat neurologique est le territoire. Au mieux il y a pour eux, isomorphisme entre esprit et cortex, au pire, identité.
Malheureusement ce point de vue des béhavioristes et de ceux qui ne conçoivent l’homme que neuronal, est contredit par l’approche en première personne, et par la comparaison entre les processus corticaux et les états de conscience. Nous allons nous en expliquer.
Légitimité de l'exploration du conscient R en tant qu'objet d'étude Tout d’abord il nous faut récuser avec la plus grande énergie, la négation de l’introspection en tant qu’objet d’étude scientifique, voire de connaissance. Cette posture qui s’apparente au vieil adage de Lord Kelvin « il n’est de science que du mesurable » a évolué par la suite vers « il n’est de science que du prédictible » , puis, « il n’est de science que du reproductible en laboratoire ».
Cette assertion est totalement fausse du point de vue épistémologique, ou tout simplement du bon sens le plus élémentaire. En effet, en raisonnant par l’absurde, si le témoignage de R doit être rejeté, il faudrait dès lors jeter à la poubelle tous les protocoles d’expérience et toutes les mesures, qui ne peuvent avoir de sens en dehors de R.
En renversant la proposition, je puis affirmer une seule chose : je suis conscient (c'est-à-dire j’ai un champ R) donc je suis, la formule de Descartes « je pense donc je suis » étant trop restrictive. La pensée est un processus complexe qui met en œuvre des calculs, des comparaisons, des jugements, en un mot toute l’activité mentale du sujet. Mais le patient qui souffre sous la roulette du dentiste ne pense pas ! Il souffre ! Et ce n’est pas pour autant qu’il cesse d’exister. Une seule représentation, un seul psychème, présent dans notre conscient : suffit pour que je puisse exister, même si je n’en ai pas conscience.
En dehors de l’introspection, (* le terme est mauvais car il dénote une activité, nous le prenons ici comme l’observation volontaire ou spontanée de nos états de conscience R) il n’est pas d’autre moyen de connaissance. Nous sommes condamnés par en passer par là. Je dis condamnés parce que je ne connais le monde extérieur, y compris le conscient de mes interlocuteurs, que par des inférences. La projection de l’extérieur en R, que nous nommons perception du réel, est tributaire des outils, de leur maniement, et le langage est un de ces outils. On peut donc prétendre en paraphrasant Bernard d’Espagnat, que l’introspection nous délivre une information forte, non négociable, et distincte de la connaissance dite objective qui dépend des instruments et des codes. C’est une information faible.
Le rejet du conscient, pourquoi?
D’où vient alors ce rejet du témoignage du conscient ? Ce refus de prendre en considération l’examen de R ? C’est que malheureusement nous ne pouvons pas transmettre le contenu de R, ni même le décrire. Il suffit de le cerner pour le modifier, et par ailleurs le langage même apparemment admis par une communauté, ne nous donne aucune garantie, sur le contenu de R de notre voisin. Essayez tout simplement de deviner ce que peut être la vision d’un coquelicot ou d’un bleuet par un daltonien.
Une théorisation de cette impossibilité à formaliser et à transmettre le contenu de R, fait appel à la notion de qualia (par opposition à quanta). Un exemple simple permettra d’illustrer à la fois les qualia et la différence irréductible entre le territoire R et la carte PHI (physiologique). Ou si l’on se place du point de vue des neurosciences entre le territoire PHI et la carte R.
Les qualia Posons la question suivante à quelques esprits forts : « essayez d’ordonner selon une séquence croissante la note la3 émise par un diapason, la note do4 plus aigue, une couleur vert émeraude, un jaune safran et un rouge feu. ». Vous pouvez parier qu’ils rangeront de façon arbitraire ces sons et ces couleurs. Or la réponse existe, c’est la fréquence des ondes émises, par ordre : la3, do4, rouge feu, jaune safran, émeraude. Mieux encore, on peut dire qu’il y a une correspondance entre le couple la3-do4 et le couple rouge feu-jaune safran.
Ces rapports de fréquence sont des codes que l’on trouve non seulement dans l’espace qui véhicule sons et lumières, mais dans les trains d’onde émis par les neurones. En allant plus loin , on peut prétendre que la carte neuronale est de nature formalisée, uniforme, structurée, et mettant en jeu des entités mesurables et comparables. Au contraire une telle structure n’existe pas dans R, mas même lorsqu’on énonce des chiffres. 1, 2, 4, 7, 13, sont des nombres pour le milieu extérieur, ce sont des « qualités » pour l’approche directe par l’introspection. Certes on m’a appris que 3 et 4 donnent 7, mais il s’agit là d’assertion sur-ajoutées, qui n’ôtent en rien qu’un 3 et un 4 ont une « couleur » distincte. C’est ce qu’on appelle les qualia.
Comment fabriquer un robot vivant et pensant? En définitive on voit que des différences irréductibles séparent R et le substrat physique et neuronal. On pourra parvenir à fabriquer un robot pensant lorsque l’on saura comment fabriquer des représentations plates dans le temps u, et des qualia. On est loin d’y songer. Ce sont des observations de cet ordre qui amenèrent un de plus grands épistémologistes du siècle passé, Sir Karl Popper, à prononcer la séparation ontologique entre le monde matériel qu’il nomme le premier monde, et le monde mental qu’il nomme le deuxième monde. Il s’appuyait aussi sur le fait que dans le monde mental, (donc dans R) on ne peut mettre en évidence des grandeurs matérielles (dimensions, temps, textures, masse, énergie) , dans une certaine mesure R est paranormal. Vouloir réduire le deuxième monde à un reflet du premier est une absurdité scientifique et une erreur inadmissible de jugement.
Jusqu’ici, on n’a défini R que par des caractéristiques négatives. On pourrait avoir la tentation de tout abandonner puisqu’aucune observation valable, stable et reproductible ne peut être formulée dans la galaxie en perpetuel mouvement de notre conscient. La prochaine Masterclass, montrera qu’il n’en est rien, et que du vide épistémologique, bien des observations peuvent être formulées et donner naissance à un édifice théorique.
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