Bill Viola, Tristan et Heisenberg.
Réduction des ondes de forme, physique quantique et la mort d'amour dans Tristan et Isolde.
Ci-contre, à partir de la gauche, Catherine Barré présidente de l'association du Mariiensky, Marina Fédier, Bill Viola, Mme Viola, Bruno Lussato.
Compte rendu sommaire du dialogue entre Bill Viola et Marina Fédier.
Bill Viola évoque devant MF des détails de sa carrière. Il est très attaché à ses maîtres. Il commença par étudier de la publicité, lorsqu'il tomba sur un professeur quelque peu excentrique qui l'encouragea à faire des études expérimentale. Elles eurent lieu dans la cave de l'université et ce fut une première étape qui lui ouvrit la porte. L'influence de Jack Nelson fut déterminante. Il commença alors à écrire son propre journal et à la fin de ses études universitaires il étudia la musique et fréquenta David Tudor et Merce Cunningham. Notamment la musique électronique le fascinait et il créa un atelier composé de cinq à six jeunes qui s'interessrent aux objets vibrants. C'était pendant les anné es 1970, 1980. C'est en 1980 qu'il fit partie de cinq artistes qui obtinrent une bourse pour étudier au Japon dans le cadre d'échanges interculturel, ou cinq artistes japonais travaillèrent aux etats Uni. Il rencontra à ce moment sa femme, au cours d'un séjour en Australie. Il s'interessa en 177 à la vidéo et s'initia gâce à Sony au maniement des studios électroniques de montage.
La noyade
Lorsque j'étais petit, raconte Viola, je tombai dans l'eau d'un étang et sombrai jusqu'à une importante profondeur. Je fus sauvé par un oncle. Mais ce qui fut extraordinaire dans cette expérience, est que je n'éprouvai aucune frayeur, au contraire je me trouvai dans le paradis. Cette eau était l'eau de la vie.
- De l'eau vive ? dit Marina. - Oui c'est cela, de l'au vive. Sorti de là, je me mis à pleurer d'avoir laissé toutes les visions qui m'apparurent lorsque je me suis noyé. Car, je le répète, je suis tombé très profondément au fond de l'étang;
L'océan sans limites
Cette expérience a hanté ma vie jusqu'à aujourd'hui et elle inspire ma dernière installation dans l'église désaffectée de SanGallo à Venise, une toute petite église qu'on ouvrit pour moi. Elle comprend un écran vidéo situé tout au fond et les gens peuvent accéder un à un vers cet écran vidéo où ils ont une expérience bouleversante. Plus ils approchent de l'obscurité, plus ils traversent de l'eau vive, et parviennent alors à la lumière. Les ombres du début deviennent alors réalistes et en couleur.
23 Personnes de tous les ages, de toutes les conditions, de toutes les provenance, ont éprouvé cette expérience très profonde, cette sensation d'immersion que l'on voit au début du troisième acte de Tristan où au dessus de l'océan sans limites apparaît un nuage rose. Des gens tristes, ternes, découragés, viennent de tous les coins de la planète et passent à travers l'eau purificatrice et ils reviennent à la vie. Avant ils étaient morts à eux mêmes, après la purification, ils renaissent à la vie.
- Marina lui parle de l'eau vive, et Viola lui répond que c'est exactement cela qu'il a essayé de représenter. Il est très interessé par ce que Marina lui raconte de Matisse et de l'influence de sa femme qui l'a poussé à se retrouver lui-même dans son être essentiel.
Dans ma dernière installation, continue l'artiste, j'ai retrouvé les visions que j'ai éprouvé quand je me noyai. Le titre : Ocean without a shore, océan sans plage, évoque un grand tout illimité, non borné par une plage. A propos de Matisse, je suis frappé par votre image : Matisse assis devant l'arbre, sans bouger, le fixant si intensément qu'il finit par faire un avec lui. Faire corps avec la chose, c'est attiendre la réalité de la chose. Le savant, lui, avec ses intruments de mesure voit autre chose, une autre réalité. Moi, quelque soit ce que je vois, je tente comme Matisse, de voir derrière les apparences.
Les personnages reçoivent l'eau qui coule sur eux comme un voile,
Citations et lectures
Bill Viola à la demande de Marina, donne une liste de livres indispensables. Parmi eux :
A.K.Coomaraswamy (1889-1940) The Tranformation of NAture in Art. The Door in the Sky. Princeton University.
Seyged Sossein Nasr : Knowledge and the Sacred? Contemporary Phénomena.
Bill Viola dit que l'Artiste a la faculté de prendre du recul sur le réel.
Marina : Lorsque j'assiste à des expositions, je remarque que l'on voit dans l'oeuvre des artistes cotemporain, la déchéance de la planète, la dérision, l'horreur. Par exemple Mc. Carthy. Mais quand je vois votre oeuvre, ce n'est pas le réel en deshérence que je vois, mais une aube, ce qui est en gestation.
- OK, OK, OK, s'exclame Bill Viola, c'est ce que font les grands sages. Nous sommes tous des gens terriblement violents. L'art est une matrice qui fait basculer la violence. Cela commence sous terre. La bête commence à sortir, et je vois la partie positive de cette transformation.
Viola apprécie les soufis et cite l'exmple d'un de ses fils qui est plein de dons mais ne veut pas devenir un artiste. Il parle de l'homme Picasso, qu'il déteste et dont il pense qu'il est sans valeur.
La physique quantique
Marina lui parle de physique quantique, de la réduction du paquet d'ondes en particules discrètes, de l'âme soeur, et comment une particule devient une onde. Elle ressent la fin de Tristan comme une transformation d'un corps mort, une particule, en une onde immatérielle qui s'étend dans le cosmos. Bill Viola est étonné par cette comparaison car c'est exactement la signification de ses dernières images. Il a pensé exactement en termes de physique quantique, et il connaît très bien l'antinomie ondes-particules, et la transformation des particules en ondes. Il est enchanté par les propos de Marina.
Ci-contre, fin du IIIeme acte de Tristan. On remarque sur scène les personnage en chair et en os, localisés, tributaires de la masse et de l'énergie. Le cadavre de Tristan est allongé sur la couche-autel. L'écran montre l'état ondulatoire, occupant le cosmos. Les corps immatérielles se fondent dans le cosmos.
Comme elle, il pense que l'amour en soi ne peut durer. La sexualité doit venir mais après. Ce qui importe c'est la communication entre êtres essentiels, avant d'être sexe, l'amour doit être un ruisseau qui jaillit, de l'eau vive. Il apprécie la poésie de Verlaine citée par MF : "J'ai fait un rêve... ", cette idée de la femme aimée toujours la même mais qui bouge. Le mouvement est essentiel, autrement l'eau est stagnante. J'ai appris par mes maîtres, dit Viola que La règle, c'est de ne pas avoir de règles. Notre professeur a choisi dans la classe les quatre ou cinq élèves qui lui ont semblé les plus inventifs et leur a aprris la technologie de la video.
The Passing
A propos de "The Passing" la vidéo actuellement disponible dans les boutiques des musées d'Art Contemporain, Marina fait part de ses impressions. Bill Viola lui répond qu'à l'époque il avait perdu sa mère qu'il adorait. S'il n'avait pas fait cette oeuvre, il serait devenu fou. Il reconnaît avoir une personnalité Yin.
Avertissement de Bruno Lussato. Je ne suis pas un sténographe, et un micro eût été mal venu dans cette atmosphère propice à la recherche profonde du sens. Il s'ensuit, que j'ai essayé de transcrire aussi fidèlement que j'ai pu le dialogue entre Marina Fédier et Bill Viola, qui a eu lieu jeudi matin au Westin Hotel de Rotterdam, pendant deux heures serrées d'échanges. La plus grande partie m'a échappé, mais ce que Marina et Bill Viola ont retenu, est une très profonde empathie, une communauté de vue impressionnante entre l'oeuvre et la pensée de l'artiste et la démarche de Marina, que l'on retrouve dans ses billets et notamment les concepts d'âme soeur, d'eau vive et surtout la métaphore quantique. Bill Viola connaît parfaitement ces concepts et le recours à la transformation du paquet d'ondes, est sous-jacent à ses oeuvres et notamment son imagerie de Tristan et Isolde. J'essaierai de soumettre pour contrôle ces propos à Bill Viola et pour validation auprès d'autres pources. Bill Viola qui déteste comme la plupart des grands artistes et compositeurs, les critiques, pense que la meilleure manière de décoder une oeuvre, et d'aprouver cette empathie, cette connaissance du dedans, que n'ont pas les cuistres, est de lire les dialogues avec l'artiste, le faire parler. C'est ce que nous avons fait Marina Fedier et moi avec Valery Gergiev et Bill Viola.
Bruno Lussato
Ce livre contient une analyse de la mise en scène de Bill Viola et de Sellars, ainsi qu'une interview de l'artiste.
Le dernier ouvrage sur Bill Viola, édité par Mori Art Museum, 2006. On peut l'obtenir dans les librairies des grands musées d'Art contemporain.