L'hypersaucisse et le train infernal
Deux expériences de pensée
Eric s’est donné la peine de poster deux commentaires dans lesquels il reconnaît n’avoir rien compris à mes explications. Je suis persuadé que la plupart de mes lecteurs, pensent la même chose, sans l’écrire, mais en se disant : c’est un jargon incompréhensible, ça me prend la tête, changeons de crémerie ! On les comprend, mais ils auraient tort, car le sujet est tout à fait crucial : ne remet-il pas en cause toutes nos catégories mentales, un peu comme le fit Copernic. Copernic, c’était la fin du géocentrisme : l’homme au centre de l’espace. Le paradoxe de Dunne c’est la fin du chronocentrisme : l’homme au centre du temps.
Le centre de l’espace, c’est la vision astrologique : le lieu et la date de naissance, l’ici et maintenant.
Le choc perturbateur : imaginer que sous nos pieds des homme marchent les pieds en haut et la tête en bas. Aberrant !
Le centre du temps c’est le présent. Le passé n’existe pas puisqu’il n’existe plus. Le futur n’existe pas, puisqu’il n’existe pas encore. Seul ce minuscule intervalle de 1.30e à 16 secondes, que perçoit (mal) notre conscient concentre en lui toute la réalité du monde. Niels Bohr a contesté cette vision archaïque de l’espace-temps, mais elle perdure et ce n’est que dans deux siècles peut-être que le grand public en viendra à bout. Cela vaut pourtant la peine de ne pas attendre jusque là et de trouver des expédients pour admettre avec notre intuition le fait que le futur et le passé coexistent. Cette question me perturbait depuis que j’avais dix-sept ans et je finis par avoir recours à deux expériences de pensée pour éclairer le paradoxe. J’étais alors hanté par Einstein et la théorie de la relativité restreinte, mais beaucoup moins sensible à Plank et à Heisenberg. Les deux expériences de pensée sont beaucoup plus accessibles que le recours à la réduction du train d’ondes et l’évocation de futurs existant simultanément en tant que potentialités. Voici donc mes deux expériences fictives.
La saucisse relativiste
Essayez d’imaginer une saucisse flottant dans l’espace d'une longueur u. Essayez aussi de vous représenter un plan P qui traverse lentement la saucisse. Enfin mettez vous à la place des habitants qui occupent P. Ce sont des êtres à deux dimensions qui ne peuvent absolument pas sortir de leur univers bi-dimensionnel ni imaginer la longueur de la saucisse qu'ils parcourent malgré eux. Cet univers comprend les deux dimensions : largeur l et longueur L qui définissent le plan P.
P, avons-nous dit traverse de gauche à droite la saucisse qui apparaît aux êtres bidimensionnels comme une succession de rondelles. Ce qui pour nous est la longueur u de la saucisse, ne pourra être appréhendée par les habitants, qui ne perçoivent qu’une succession d’événements plats, qui défilent dans le temps t mesuré par les horloges de nos autochtones. Mais pour nous qui sommes à l’extérieur, nous voyons que ce ne sont pas les événements qui se précipitent du futur vers le présent P, mais que c’est P qui se déplace à travers la saucisse. Les relativistes appellent u, ou ligne d’univers, la trajectoire des événements.
Si nous supposons que le plan P parcourt la saucisse dans une seule direction irreversible, pour les habitants qui y sont renfermés, la partie déjà explorée de la saucisse n’existe plus. C’est le passé de la saucisse. Le futur lui, n’existe pas encore et l'expérience des autochtones plats leur souffle que ce n’est que par un acte de divination qu’on peut interroger les aires situées en avant du plan.
Le train infernal Une autre métaphore est la représentation d’un train lancé à 300 kmh vers une destination inconnue, et qui jamais ne s’arrêtera ni rebroussera chemin. Les passagers du compartiment 01 dans le wagon de queue ne connaissent du monde extérieur que ce qu’ils en voient à travers la vitre. Pour eux, les paysages traversés ne reviendront plus, c’est le passé. Ceux du futur nous ne les connaissons que par inférence, c'est-à-dire notre expérience des paysages traversés, leurs symétries, la succession des jours et des nuits, la répétition de certains accidents topologiques.
Admettons à présent qu’un passager P2 installé dans le wagon de tête regarde par la fenêtre. Il verra un paysage qui n’apparaîtra que quelques secondes plus tard au passager P1 du compartiment de queue. Ce passager P2 communique avec son portable avec P1 et il lui décrit un lieu que celui-ci ne verra que quelques instants après. L’information délivrée par P2 sera jugée « paranormale » par P1, c’est pour lui un phénomène inexplicable de précognition. Mai il n’a rien de mystérieux pour nous qui sommes au dehors du train.
La bifurcation vitale Or à un instant donné, P2 va percevoir une bifurcation. La voie de droite est normale alors que celle de gauche que doit emprunter le train est dévastée par un tremblement de terre. Si P2 peut transmettre cette information au machiniste situé à l’arrière du train, la catastrophe sera évitée. ¨Pour P1 dont le compartiment est adjacent au machiniste, le futur a rétroagi sur le présent. Il subit de plein fouet le paradoxe de Dunne, alors que pour nous qui sommes à l'extérieur, la contradiction n’existe pas. Les deux aires : dévastée et normale coexistent pour nous, qui les voyons clairement, alors que pour P1, c’est une idée inconcevable. Pour nous replacer dans notre monde tri-dimensionnel, il suffit d'imaginer que le compartiment du train est notre conscient, que P2 est un événement qui communique de l'information à un médium, en remontant la ligne d'univers, et que l'observateur de l'hypersaucisse peut percevoir u comme une dimension statique et l'hyperplan de notre conscient, comme un espace tridimentionnel qui parcourt la ligne u à une vitesse u/θ , téta θ étant le temps que met le plan pour aller d'un point de u au suivant. C'est donc une cinquième dimension. Ce que nous appelons le temps n'est que la composante de u et de téta.
Cette explication tient compte du fait que le temps est une dimension : la ligne d’univers, et que le Plan est en fait un univers en trois dimensions longueur,largeur,profondeur, et une dimension temporelle u. Mais comme on l'a écrit, et nous insistons sur ce point, le plan – ou plutôt l’hyperplan qui parcourt du passé au futur la ligne d’univers u, met un certain temps pour aller de u1 à u2. Ce temps n’est évidemment pas réductible à u, c’est un cinquième temps θ (téta) . Les événements situés à l’avant de u, soit par exemple u100, bien que perçus comme futurs pas le chronocentriste, et par conséquent immuables, ne sont pas toute l’information, elle est vrai à l’instant téta θ mais elle peut bouger. Oui, le futur peut se modifier selon l’impulsion donnée par le médium.
La physique quantique et la réduction du train d’ondes. La grande différence entre la métaphore relativiste et celle, plus à la mode, quantique, c’est que la première postule l’existence concrète et réelle de plusieurs futurs que lesquels on peut intervenir. La seconde au contraire dit que ces événements sont des ondes de probabilités qui ne réaliseront que lorsque l’hyperplan P rencontrera un événement situé dans un point défini de la ligne d’univers.
J’espère que ces explications donneront quelques lumières à Eric, pour percer le brouillard de la physique d’il y a cent ans. Que dire alors des concepts actuels ?
Par ailleurs, j’ai pensé à une autre application de l’opposition ondes particules, au domaine de la création artistique. Ce sera pour une autre fois, car je dois m’efforcer maintenant de vous adresser cet article sur le blog.