Bruno Lussato

Je cite l'ouvrage de Jean Staune, remarquablement documenté. (p.71)

Un siècle après Galilée, 99,99% de la population croit que la Terre se trouve au centre du monde. Un petit groupe d'esprits éclairés affirme néanmoins que la Terre tourne autour du Soleil, ce qui lui vaut de nombreuses critiques.

Mais vpolà que des savants déclarent " il est inexact d'affirmer que la Terre tourne autour du Soleil" rendant la position des pionniers du système héliocentrique encore plus ardue. Ceux-ci vont alors trouver ceux-là pour leur demander des explications. Ces derniers répondent :

" La Terre et le Soleil tournent autour du centre de la galxie. Le mouvement de la Terre autour du Soleil est donc négligeable par rapport au véritable mouvement de la Terre. "

- Mais alors dites-le ! Avec ce que vous avancez, les gens vont continuer à croire que la Terre se trouve au centre du monde !

- Oh, vous savez, aujourd'hui, personne ne peut imaginer ce qu'est une galaxie. "

Staune raconte que lors du passage de l'an 2000 des physiciens répondirent à la question: quelles seront les trois événements dont on se souviendra dans mille ans? La réponse fut : le débarquement de l'homme sur la lune, le nucléaire et ses déchets à très longue durée, l'expérience prouvant la non-localité ou la non-séparabilité.

Alors pourquoi chacun ne parle-t-il pas de la non-localité? Pour les mêmes raisons explique Staune qi'il a faluu deux siècles pour nommer le XVIe siècle, le siècle de la révolution copernicienne. Tout d'abord dans le tumulte du quotidien, seule une petite élite peut percevoir les mutations essentielles. Ensuite même les esprits les plus brillants n'arrivent pas à se séparer de leur vision du monde (associée à un ou plusieurs noeuds sémantiques qui déforment leur jugement).

Rappelons brievement le paradoxe EPR à l'origine de la désinformation. On sait qu'au niveau quantique, deux particules issues du choc d'un atome de calcium, par exemple, s'éloignent l'une de l'autre à la vitesse de la lumière. Chacune des particules jumelles tournent dans un sens opposé, ce que l'on appelle le spin. Admettons qu'elles se trouvent aux deux extrémités de la galaxie. D'après la théorie quantique, si l'on change le spin de l'une, l'autre instantanément changera également de sens de rotation. Or pour Einstein, ceci était impossible, car il eût fallu que la deuxième particule soit informée du changement de sa jumelle, à une vitesse infiniment supérieure à celle de la lumière, ce qui est impossible dans un univers matériel.

Sur un protocole de John Bell, revu par Bernard d'Espagnat, le physicien Aspect réalisa l'expérience à Orsay avec un instrument de mesure capable de chronométrer avec une précision d'un milliardième de seconde. Il bombarda un atome de calcium et les deux particules furent projetées dans un tunnel de 16 mère de long. On mesura alors le passage de la particule à chaque bout du tunnel. Normalement la lumière devait mettre 40 milliardièmes de secondes pour faire communiquer les deux particules. Or, en renversant le sens du spin dans la première particule, celui de la seconde fut renversé après un milliardième de seconde, ce qui exclut une communication, et démontre la théorie de Planck en désavouant Einstein. La question qui se pose est la suivante : comment la seconde particule sait-elle que sa jumelle vient de changer de spin? C'est le paradoxe EPR.

C'est là qu'intervient le processus de désinformation, prévisible d'après la théorie de la dissonance cognitive de Festinger. Lorsque l'on se trouve face à un paradoxe, il se produit une dissonance insupportable pour les esprits rationnels, qui mettent alors en oeuvre des processus, proches de la mauvaise foi, mais inconscients, pour évacuer le problème. Il vont donc émettre des désinformations, c'est à dire des informations négatives qui vont annihiler les informations-source. Citons Staune. 

 ... aujourd'hui de nombreux physiciens professionnels tendent à diminuer l'importance de la non-séparabilité, voire racontent-ils des choses fausses à son sujet; Jean Briemont écrit : La majorité des physiciens n'est pas dérangée par le paradoxe EPR. Mais cette majorité se divise en deux types. Ceux du premier type expliquent pourquoi cela ne les dérange pas. Leurs explications tendent à être toatlement à côté de la question ou à contenir des assertions dont on peut démontrer qu'elle sont fausses. Ceux du deuxième types ne sont pas dérangés et refusent de dire pourquoi. Leur position est inattaquable (il existe encore une variante ... qui dit que Bohr a tout expliqué, mais qui refuse de dire comment. "

La désinformation la plus grave au sujet du paradoxe EPR consiste à affirmer " il n'y a aucune action à distance dans les expériences EPR" ... et à ne rien ajouter.

 Or, celui qui lit les propos du physicien a l'impression que la théorie des particules fantômes provient de crédules et de charlatans. En effet si deux particules communiquent à une vitesse supérieure à la lumière, c'est que l'agent de communication n'est pas matériel, dépourvu d'énergie et de masse. Briemont compare ainsi la non-localité à l'action d'un magicien capable d'agir à distance sur une personne en manipulant son effigie. Les caractéristiques de la non-localité sont " instantanéité, individualité, non-décroissance avec la distance" En écrivant cela il est sérieux. Mais dans un ouvrage commis avec Alan Skolal, il reprend ces propos, en les faisant passer pour des canulars !

Mais il y a plus vicieux. Ceux qui nient la thèse de l'action à distance par un vecteur immatériel (qui leur rappelle fâcheusement les pseudo-théories sur la télépathie) se gardent bien d'annoncer au public ni aux vulgarisateurs, la théorie alternative à laquelle ils adhèrent bon gré par gré : la thèse de la non-séparabilité. C'est qu'elle est encore plus incompréhensible par le public que la première. Elle consiste à postules que les deux particules, sont une seule, quel que soit le point de l'univers où elles se trouvent. Autrement dit cette particule emplit tout l'univers !

On le voit, la physique quantique est porteuse d'une immense révolution culturelle, comparable en importance à la révolution copernicienne et comme elle passée inaperçue pendant près d'un siècle. Seule une élite la connaît, comme jadis les clercs du moyen âge conservaient jalousement des secrets interdits au vulgaire. Voyez à ce sujet Le Nom de la rose le livre d'Umberto Eco, ou le film qui en a été tiré.

Comment s'étonner dès lors de la conspiration du silence autour des expériences les plus légitimes effectuées par les parapsychologues, mais à la rigueur contestables par des zététiciens, alors que le même sort atteint des découvertes aussi scientifiquement admises que la rotation de la Terre ou les troublants phénomènes au niveau quantique?

Pour les références, lire l'article : une soirée étoilée au Centre Culturel des Capucins.