La réduction du paquet d'ondes, une puissante métaphore
Cet article devrait avoir sa place dans la rubrique spécialisée consacrée à la Théorie des Systèmes et aux spécialistes en organisation. Mais je trouve que sa signification dépasse singulièrement le champ étroit de la réflexion technologique et incite à une réflexion approfondie sur la nature de nos systèmes fondés sur les sondages et les modèles abstraits.
J'ai bien dit métaphore. En effet il n'y a rien en commun entre les phénomènes quantiques qui se manifestent à une échelle infinitésimale et l'expérience courante à l'échelle humaine. Cependant les énigmes posés par la dualité onde-particule se retrouvent dans notre univers sensible. Cette réflexion est issue de la rencontre de deux interrogations. La première émane de ma soeur qui a du mal à comprendre comment le chat de Schroedinger peut être à la fois mort et vivant. Je lui ai undiqué un site de vulgarisation très bien fait, qui termine son exposé en conseillant aux lecteurs de prendre un comprimé d'aspirine.
C'est plutôt du paracétamol qu'il faudrait pour apaiser les doutes de l'informaticien d'une entreprise que je conseille. Il est confronté à un problème dans lequel il se débat depuis des mois sans parvenir à le résoudre. Et s'il était indécidable?
Le chat mort-vivant et la roulette de Monte Carlo
Considérons un corps radioactif qui se désagrège en perdant tous les ans la moitié de son poids. On peut prévoir avec une bonne précision le nombre de photons émis par mois. Mais lorsqu'on examine de près ce qui se passe au niveau de l'emission, nous constatons qu'a un instant donné on ne peut prédire s'il y aura ou non décharge d'une particule. Si oui, elle frappera sur une plaque photosensible qui actionnera un marteau, qui cassera une fiole de poison, qui tuera le chat. Sinon, le chat sera vivant. Mais avant d'observer la particule, tout ce qu'on peut dire à son propos est qu'elle est émise et non émise. En fait elle n'est pas une particule mais une onde de probabilité. Ce n'est que lorsqu'on observe l'émission de la particule que le ET logique se transforme en un OU exclusif.
Rendons nous au casino. Deux observateurs sont assis à deux tables de roulettes. Ils ont des martingales. Savez-vous ce qu'est une martingale?
C'est une série de jetons alignés en piles de 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64 pièces de - disons un euro.
Le premier observateur n'a devant lui que trois piles de 1, 2 et 4 jetons. Il mise toujours sur le rouge. Le second en a sept, il mise toujours sur le noir.
Dans chaque table, la boule est lancée, hésite, puis s'arrête. Les deux observateurs raflent à chaque fois un euro, finissent par gagner et reconstituent la martingale, c'est à dire la série de jetons. Mais alors que le premier gagne toujours immanquablement au bout de un ou deux lancers de boule, il faut miser 16 ou plus de jetons pour finir par gagner, pour le second. On peut dire par conséquent que la boule ne se comporte pas de la même manière à gauche et à droite. Et pourtant les deux roulettes sont rigoureusement identiques et les boules à chaque lancer ont autant de chance de tomber dans le rouge que dans le noir. Pourquoi donc cette dissymétrie.
Pour le savoir, interrogeons nos observateurs. Le premier nous dira: avant de miser, j'attends que sept noirs soient passés avant de miser sur le rouge. Pour perdre, il faudrait que le noir se présente 7+3 = 10 fois. Le second est moins patient, il attend que trois rouges soient passés et pour être à équivalence avec le premier observateur, il lui faut compléter les 3 rouges, par sept tas de jetons pour compenser. C'est à dire que lorsque 10 rouges sont passés il y a moins de chances pour une boule de tomber encore sur le rouge, que lorsque se sont 10 nois qui sont passés.
Or nous nous heurtons à deux impossibilités : tout d'abord une boule n'a pas de mémoire, alors comment sait-elle que dix rouges sont passés avant elle afin de l'inciter de tomber dans le noir? Autre impossibilité : comment un phénomène constaté lorsqu'on a affaire à un très grand nombre de lancement de boules, à savoir qu'il y a équiprobabilité entre les rouges et le noir (c'est à dire une entropie maximale) est démenti au niveau réel, celui où une boule concrète, celle-ci et pas une autre, tombe sur le rouge ou le noir. En effet s'il est possible de prédire que une boule sur deux tombera sur le noir, lorsqu'il s'agit de grands nombres, il est rigoureusement impossible d'effectuer la même prédiction au niveau concret, élémentaire. A partir de quand le basculement se produit-il? Peu importe, ce qui compte c'est qu'il y a une dé-cohérence entre le niveau concret où la boule se comporte comme une particule, et le niveau de masse où la boule n'est qu'une fiction, ce qui compte étant l'onde de probabilité.
La gestion amont et la gestion aval
Dans les entreprises de très grande taille centralisées, on prédit le comportement d'un client isolé dans un magasin,par des modèles de simulation fondés sur les statistiques. Dans n'importe quel hypermarché on a des millions de transactions par an, et il est évidemment impossible de prédire le comportement de chaque client, de chaque transaction. Mais en gros, les modèles restent théoriquement valables, et sur leurs conclusions on assoit la politique de publicité, de gestion des stocks ou d'aménagement des gondoles.
Malheureusement les chiffres crachés par les modèles logistiques et informatiques sont faussés et ne correspondent nullement aux réalités du terrain vues client par client, transaction par transaction. La contradiction devient patente lorsque une Dierction Générale prétend viser les besoins reels du client et vendre aux plus faibles marges possibles. La bataille entre Carrefour et Leclerc est significative à cet égard. Prenons un exemple concret : il est certain que ce n'est qu'au niveau du terrain, et transaction par transaction, que l'on peut évaluer avec précision les désirs du client physique et le servir au mieux. C'est d'ailleurs la base même du Kanban japonais qui fabrique et livre, commande par commande, en temps réel au lieu d'accumuler des stocks optimisés d'après des modièmes mathématiques abstraits. Admettons en effet que l'on fractionne un magasin en modules de 500 articles, modules sous la coupe d'un responsable ayant tout latitude de commercer, c'est à dire de commander au fournisseur les articles et les quantités qui semblent le plus adaptés à sa zone de chanlandise, et capable d'apprehender par l'intuition des données aussi diverses que l'environnement, la concurrence mouvante, la position du produit sur la gondole, etc. Chaque transaction aura un sens et elle sera le produit non de données cumulées et abstraites, forcément appauvries lors de la remontée vers le siège, mais d'une expérience cumulée et dépendant étroitement de la motivation, de la perspicacité,
de l'imagination et de la formation des homme du terrain.
Ce qui se passe est sensiblement différent. Au niveau global on décide sur des bases macroscopiques et notamment à partir des compromis et des accords avec les grands fournisseurs, de ce qu'il convient de promouvoir (le "vu à la télévision"). On lance toutes les semaines une promotion tous azimuths et en même temps on annonce au chef de rayon qu'il a toute liberté de commander ou de na pas commander, voire de faire appel à des fournisseurs locaux. Il est évident qu'il s'agit d'une hypocrisie, car le rayon se voit obligé de commander un minimum des produits promus qui vont être réclamés par les clients, lorsqu'on ne lui impose pas. Or l'espace n'est pas extensible et si dans une gondole une partie du linéaire est occupée par des articles non forcément optimaux pour le public local, la présentation et l'équilibre de l'assortiment en sera modifié. Ceci est d'autant plus vicieux que la logique de l'homme de terrain est de construire son assortiment en fonction du ... terrain concret, local, alors que celle du siège est orientée vers l"conomie d'échelle, la pression des grands fournisseurs qui tendent à "fourguer" les produits qui leur conviennent au niveau national, et de contraintes logistiques.
Les conséquences sont de deux ordres. D'une part l'approche statistique abstraite, le produit promu étant une "onde probabiliste" issue d'un modèle mathématique, d'autre part l'approche microscopique, quantique (au sens propre du terme) où le processus n'est pas une onde mais une succession de transactions poncutelles, résultant du "choc" entre le client et le produit. Or on constate qu'il y a une décohérence entre les deux niveaux. Le modèle macrosopique est déterministe alors que la réalité du terrain est chaotique, aléatoire. Et seul l'homme peut affronter l'aléa avec le seul outil que l'on connaisse : l'expérience jointe à l'instinct (ou l'intuition).
Le second ordre de conséquences est que dans le premier cas, le profit est fait en amont, et le client est incité à vouloir ce que veut le fournisseur, le magasin ne jouant qu'un rôle de distributeur, la fonction commerciale étant confisquée par la télévision et le marketing de masse. Dans un tel système la monotonie règne, sous une apparence de fausse variété, et le client devient un consommateur. La courbe ABC se rapproche de 95-5 plutôt que des classiques 80-20, ce qui signifie que les PME de la section B et les artisans de la section C sont réduits à la portion congrue.
La décohérence dans les prévisions électorales du deuxième tour.
Je cite un article du Figaro publié deux jours avant les élections legislatives du deuxième tour.
... Nicolas Sarkozy et François Fillon qui réclament une large majorité ... sonr assurés d'être exaucés. Selon notre baromètre TNS Sofres Unilog pour Le Figaro, LCI et RTL, l'UMP obtiendrait en effet entre 380 et 410 députés. Auxquels il convient d'ajouter 21 à 23 élus du Nouveu Centre. LLL Soit une majorité de 401 à 433 sièges. ... La droite sortira renforcée des leégislatives et le cru 2007 sera sans doute supérieur au cru 2002... Des indices pourraient laisser présager une petite remobilisation à gauche...
Cela se passe de commentaires, mais indique la décohérence entre des prévisions basées sur une appréhension macroscopique et déterministe d'une situation et les réaltiés qui sont microscopiques, quantiques et obéissant au principe d'incertitude de Heisenberg. On sait qu'il suffit qu'une particule soit observée pour que sa trajectoire change. Il en est de même pour les sondages.