Billets par Bruno Lussato
Sunday, 2 December 2007
Les fraises sauvages 6
Retour sur le film d'Ingmar Bergman
Cela fait exactement cinquante ans que j'ai vu Les Fraises Sauvages, lors de sa parution dans une salle parisienne, en 1957. J'avais donc vingt-cinq ans et je venais de décrocher mon diplôme d'ingénieur du CNAM,où j'enseignai sans interruption jusqu'à l'âge de soixante huit ans.
Depuis, j'ai dû revoir le film une ou deux fois, au approches des années soixante. J'ai donc eu largement le temps de l'effacer de ma mémoire. Ce n'est que récemment (lors de mes billets sur les Fraises Sauvages), que, je ne sais pourquoi, ce film est surgi de mon inconscient et s'est violemment emparé des tréfonds de mon être. J'ai alors essayé de m'en souvenir et j'ai enregistré dans mon billet, ce qui m'en était resté. Je viens aujourd'hui, après ce demi-siècle d'absence de visionner le DVD récemment doublé en français. Les distorsions opérées dans mon inconscient au cours de ces années d'oubli, me paraissent aujourd'hui significatives.
Le vieux professeur, a trois ans de plus que moi, il ne s'apprête pas à recevoir le prix Nobel, mais plus modestement une médaille de jubilé pour les cinquante ans d'enseignement de la médecine. Il se nomme Isak Borg, on l'appelle "professeur" et il est chargé d'honneurs.
La scène du rêve ressemble comme je l'imaginais à "La Maison du Docteur Edwards" et aussi impressionnante. Et puis, tout le reste y est. Les personnages de sa jeunesse, une mère rigide morte-vivante, une vie sentimentale ratée, un fils qui lui témoigne respect et reconnaissance tout en le détestant silencieusement. Une belle-fille ravissante, Marianne qui lui donnera un peu de tendresse. Et surtout, ce que j'avais oublié tout en étant impregné, la terrifiante scène du tribunal, où toutes les actions du professeur sont scrutées, jugées, sanctionnées. Actes de condamnation :
1. Incompétence. Oui, incompétence !
2. Insensibilité envers les autres.
3. Rigidité et égoïsme, mesquinerie.
Le professeur est dêchu. Il n'est plus qu'un vieil homme sans qualités. Sa vie conjugale, ses rapports familiaux, ont été marqués par le repli et la lâcheté.
Ce qui sauve cette fin de vie, c'est la reconciliation avec Marianne et de son fils dont il est l'artisan, cette vie florissante qui finit par arracher à la mort son mari et se penche sur lui avec tendresse.
La fin du film nous montre le vieillard au lit, bercé par les souvenirs de son enfance. Réapparition récurrente des étranges rêves venus de l'enfance et envahissant comme des nappes de brouillard, le champ désolé de sa conscience retrouvée.
Mais la fin que j'avais reconstituée, était plus belle peut-être. La fenêtre s'ouvre, laissant pénétrer la gaie lumière matinale, pendant que la fidèle gouvernante débarrasse le lit. Cela se termine, comme les autres films Giulietta, Le Satyricon et Rêves, par des points de suspension.
Références
On trouvera une excellente analyse du film, utile vu sa complexité à
dvdclassik-.com/critiques/fraises -sauvages - dvd.htm
le DVD est disponible chez amazon ou fnac.com avec un second film.
J'avais alors estimé que Les Fraises Sauvages étaient avec Giulietta degli Spiriti de Fellini et Rêves de Kurosava étaient parmi mes préférés, et certainement les plus proches de ma sensibilité. Après avoir vu le DVD, mon point de vue s'est modifié. Ce film est désolant, terrifiant, désespérant. Par ailleurs il me semble incompréhensible pour qui n'a pas une sensibilité très particulière. Mais en le visionnant, je me suis trouvé face à une terrible confrontation, qui m'a confirmé et approfondi, ce que j'avais écrit dans les billets antérieurs sur Les Fraises Sauvages. Tout d'abord, après avoir renoué avec le film, je ne trouve pas une ligne à changer dans mes commentaires, bien au contraire. On peut dire que bien des situations du film original se retrouvent dans ma vie ratée, et ont fini de m'ouvrir les yeux sur l'étendue de l'échec : doutes sur l'incompétence, le coeur, la réussite affective, l'amour.
Ceux qui verront le film seront frappés par sa similitude avec les billets antérieurs, la place du titre de "Professeur",notamment décliné par sa femme de chambre et ses clients, ce respect et cette confiance glacée et surfaite sans doute. Et le professeur Isak Borg, le voici lui aussi, dès la scène du rêve, transformé en un être frêle, et déplumé, un simple raté, un mendiant, un moineau en quête de bribes de croutons, ... Le vieillard errant.
Continuer à lire "Le journal du 3 décembre 2007"
Les matrices de Welch et de Breton
Cf. Billet suivant
Continuer à lire "Masterclass pour Alexandre"
Saturday, 1 December 2007
Pause
Une tendance divergente continue à marquer l'évolution du blog. D'une part, le nombre de visiteurs accuse une chute sensible, frisant à présent les 700. D'autre part jamais les commentaires n'ont été si passionné, si passionnants, avec juste ce qu'il faut de diatribes pour pîmenter le débat. Dans ce qui peut paraître le plus fanatique, le plus engagé, des jugements, il y a toujours un fond indéniable de vérité et on ne saurait l'évacuer comme une simple réponse à un commentaire. Cela à mon avis mérite mieux que cela. Aujourd'hui, les commentaires ont été si riches que je nai pu répondre sérieusement à tous et que j'ai dû renoncer à ma chronique habituelle. La réponse à mes internautes est prioritaire par rapport aux billets. Et puis, je veux experimenter l'effet d'une pause.
Masterclass pour Alexandre
La difficile sélection
La malédiction des entreprises en déclin ou fossilisées est leur incapacité de mettre en oeuvre la nécessaire méritocratie : faire progresser les compétents et les motivés, éliminer les bras cassés (qu'on ne me dise pas qu'on ne sait pas ce que c'est!). En France, Médusa récuse absolument cette distinction et protège les nuls au détriment des plus valeureux qui partent ailleurs. C'est un prolongement "haine des riches", caractéristique des pays communistes. On coupe la tête aux meilleurs, c'est à dire les "riches de connaissance" censés venir de milieux favorisés. On n'aime pas les "jeunes riches en compétence", ni le traitement de faveur qui leur est réservé.
Ne croyez pas que l'opposition à cette méritocratie viennent des Syndicats, de la gauche, de jaloux. Non, elle est lovée au sein même de l'entreprise, elle pénètre les bobos, les cadres supérieurs, les bureaucrates, les DRH. Un stagnation s'ensuit. Les excellents sont à peine récompensés, on leur reproche les moindres vétilles. Les nuls, on les garde par paresse, pour éviter le conflits, et puis, disons-le, ils ne font pas de vagues. Par ailleurs ces nuls ont une grande compétence, et tout le temps pour l'exercer : ce sont de parfaits courtisans, de malins bénis-oui-oui, s'appropriant tous le travail des subordonnés. D'authentiques parasites !
Un homme comme Marchionne a relevé Fiat en essayant de répédier à cette apesanteur hiérarchique, cette complaisance, cette lâcheté. Il ne faisait qu'appliquer ce que j'ai formalisé en honneur de Jack Welsh, le patron de GE et mentor de John Elkann, et de Thiery Breton. Leur point de départ est simple : il faut définir les qualités cardinales et jetter à la porte ceux qui sciemment y contreviennent et ruinent l'entreprise. Welsh obligeait tous les ans ses dirigeants, à se séparer des 10% les plus mauvais et de promouvoir les meilleurs.
Le masterclass qui traite de ce sujet, je l'ai élaboré pour quelques clients, voici près de vingt ans. Le résultat étant un enthousiasme de façade suivi d'excellentes résolutions sans suite, je reprends ma liberté de le publier. Au moins, des jeunes énergiques et décidés comme le jeune Alexandre, et bien d'autres clients de la nouvelle génération, pourront s'en inspirer hors hiérarchie et se les approprier.
Friday, 30 November 2007
Chronique
Statistiques
Les prévisions se confirment. L'augmentation exponentielle du nombre de visiteurs, a atteint ses limites supérieures et la vitesse de croisière voisinera les 800 internautes mensuels.
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Nombre de visiteurs en septembre : 26 281
Nombre de visiteurs en octobre : 36 505
Nombre de visiteurs en novembre: 31 614
Novembre : point le plus haut 1539, le 2 novembre, le plus bas :758
Billets les plus lus :
Entretien (2 souhaits, Hellewin, note à Mme Cohen) : 3 862 visites
Rires et pleurs : 5 645 visites
Marina Fédier : le Yin et le Yang : 38 543 visites.
Nombre total de visites depuis la création du blog : 163 455
Continuer à lire "Le journal du premier decembre 2007"
L'homme qui parle
L'interview du Président Sarkozy
On s'y attendait tous... ou du moins le beau monde parisien. Il a tellement parlé, que le Poivre d'Arvor se tenait coi, et la mère Chabot, plus pincée que jamais dut ravaler son poison, sous l'accusation de pratiquer la "pensée unique". Pour excuser les défavorisés, qui poussés par une compréhensible indignation, non exempte de bavures (on ne fait pas d'omelette sans casser de oeufs), ont massacré quelques policiers, symboles d'un état répressif, la Chabot a tenté de les accrocher derrière la locomotive vertueuse des pauvres chômeurs et de leur juste combat. Et voici que le Président s'obstine à faire la différence entre la majorité des chômeurs : des honnêtes gens (qu'en sait-il au juste?) et les voyous et assassins (a-t-il scruté leur âme à la loupe de Derrida-Guattari?). Il s'est montré ainsi, contrairement à Ségolène Royal, grande rassembleuse consensuelle, comme un diviseur des français, un répressif, un dictateur.
Par dessus le marché, il parle un langage que tout le peuple comprend mais qui agace légitimement l'élite parisienne et politique. Depuis quand l'habitant de l'Elysée, dit-il ce que tous pensent et ce que les autres taisent?
On lui reproche tout, mais surtout, de parler. Mitterrand était un sphynx mystérieux, le Général laissait tomber des oracles, Chirac grimaçait des lieux communs, point zéro de la parole. Sarkozy énonce son crédo diviseur : la séparation entre ceux qui veulent s'en sortir et ceux qui vivent aux crochets de la communauté en la vandalisant, et il aime les premiers, ceux qui travaillent. Il estime que la police n'est pas un club sportif et qu'elle doit garder une réserve par rapport à la population. Sarkozy aime les militaires, ça se sent, ça se voit, il rêve d'une dictature dépressive.
Et puis il prétend accroître le pouvoir d'achat d'une manière tout à fait politiquement incorrecte. Il prend de front les gens de bien, généreux, pour qui il suffit de casser la tirelire, de payer mieux les gens sans leur extorquer des heures supplémentaires. Grâce à ces cadeaux gratuits pour tous, en se gardant bien de mieux payer ceux qui travaillent plus (ce qui est une pénalisation qui profite aux riches et divise la France des paresseux et celle des travailleurs), tout ce pactole va profiter à la communauté : ventes de téléviseurs, de plasmas, de jeux video, de jeux récréatifs, de nikes amusants et autres gadgets made in China ou Taiwan. On fera ainsi progresser les commerçants asiatiques, et leurs importateurs. C'est un système équivalent qui avait été mis en place par le Président Mitterrand, ce qui avait abouti à la fermeture des frontières françaises, et amorcé le premier exode des mal aimés de François Hollande et de Faustine, vers l'étranger. La plus importante transhumance après l'Edit de Nantes.
Nicolas Sarkozy, lui, pense à l'envers. Il croit qu'avant de dépenser, il faut gagner de l'argent, apporter des richesses à la communauté. On dépense après, ce qu'on a produit. Toujours la même obsession : le travail est saint, les employeurs sont des bienfaiteurs du pays... On les enrichit de telle sorte qu'il n'osent même pas réclamer le fameur paquet fiscal. Les socialistes, disent que c'est la preuve qu'ils sont tous des fraudeurs. Ils ne pensent pas un instant, qu'un contrôle fiscal est souvent plus pénalisant pour une entreprise que les sommes réclamées et que les contrôleurs sont tenus à rapporter un tableau de chasse. On n'est pas en Angleterre ici, mais au pays de Marat et de Hollande.
Nicolas Sarkozy a hérité d'une situation désatreuse, forgée par des décennies de lâchetés idéologiques. Elle a encore empiré, par les grèves illégales et les actes de violence de ceux qui veuleent détrure la nation, pour ensuite lui reprocher de manquer ses buts. On lui demande en quelques mois de rectifier les anomalies marxistes-léninistes, et d'apprendre le réalisme de notre siècle à des gens qui sont maintenu dans le culte de la Révolution Française et des saints avantages Zaki.
Il a dit qu'il le ferait. Il ne l'a pas fait. Il simplement parlé. Il eût dû par sa simple présence, par le choix de valeureuses équipes opérationnelles, en quelques mois retransformer le pays en une nation moderne et compétitive, tirer un trait sur les idéologies mortifères, transformer une masse de paresseux et d'incapables en des travailleurs zélés et compétents, intégrer les gens qui ne connaissent ni notre langue, ni nos coutumes, qu'il haïssent par ailleurs, en de bons français infusant la richesse de leurs diversité (tchadiens, congolais, algériens) pour la prospérité de notre pays, conformément au voue de métissage formulé par qui vous savez (et qu'il af ait oublier depuis). Voilà ce qu'on attendait de lui : l'homme qui agit, pas l'homme qui parle.
Vous me direz qu'il faudrait que la France fût autre qu'elle n'est, et que seul un miracle peut permettre une transformation aussi radicale et rapide, avec, à ses basques, des idéologues et des médias harcelants, des chiens enragés accusant tout le monde de leur rage. Oui seul un miracle pouvait permettre un tel prodige : la transmutation de la parole en acte. Jésus l'a accomplie, comme Moïse et Muhammad. Mitterrand a réalisé egalement ce tour de force, à ruiner le pays en un temps record par sa seule Parole. Mais c'est qu'il était un peu chaman : souvenons-nous comment par miracle une rose apparut dans son poing à sa sortie du Panthéon. Sarkozy n'est pas un Chaman. Il n'est pas Jésus, ni Moïse, ni Muhhamad. Il n'est que lui-même. Il nous reste à attendre que les choses qui doivent arriver arrivent, et que le verbe présidentiel se transforme en actes concrêts et décisifs par le miracle du prophète.
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