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Thursday, 4 October 2007
La Bibliothèque (comment s'en constituer une)
L'initiation à l'Art
L'art c'est comme le chinois, ça s'apprend. (Picasso).
Voici un aphorisme que je ne cesse de répéter, quitte à passer pour un radoteur. Il est en effet des formules lapidaires qui énoncent des évidences pour les hommes cultivés, qui n'en sont pas pour les incultes et les snobs. Ces derniers ce trouvent aux antipodes de la culture humaniste.
La pauvreté culturelle absolue
Le degré zéro est la pauvreté culturelle absolue, pour reprendre l'expression de Galbraith, où on n'a pas le bagage culturel suffisant pour se rendre compte qu'on n'en a pas du tout. On se contente de peu, et on se moque de ceux qui en sont pourvus, comme ces pauvres absolus qui sans abri, adossés à un cocotier, voient passer les beaux messieurs et les jolies dames, habillés en Armani et en Prada, et les montrent du doigt en se gaussant. Ils travaillent juste de quoi vivre et somnoler pendant trois jours, puis recommencent... Il en est de même pour les pauvres culturels absolus qui eux sont bien souvent économiquement riches, et qui se moquent de ceux qui, péniblement, essayent d'accéder aux nobles sphères de l'art et des lettres. Ils répètent d'un air entendu " la culture ça ne se mange pas en salade", ou encore "la culture à quoi bon gaspiller son temps? On jouit ou on se divertit, un morceau de musique, un tableau, un poème, qui exigent pour être compris, un effort, ne valent rien. Et qu'est-ce que ça signifie comprendre? Y a rien à comprendre, faut aimer. L'art ce n'est pas des mathématiques, on jouit où pas, on aime où on n'aime pas. A-t-on besoin d'aller à l'école pour aimer un beau coucher de soleil, pour apprécier un tableau impressionniste, un bon morceau de jazz, un tube de Céline Dion? "
La richesse culturelle absolue
Continuer à lire "Accéder à la culture humaniste. 2"
Monday, 18 June 2007
LES SÉQUENCES PROPHÉTIQUES DE L'ENTRETIEN
Voix dans la nuit
Prélude à l'Apocalypse
Prologue Des voix se croisent dans la nuit noire et chaude
HYPPOLITE
Sais-tu pourquoi les fleurs de lys se flétrissent?
Les fleurs étouffent dans les serres. Sais-tu de quoi?
OPPORTUNE
De chagrin.
ORDRE DU LOINTAIN
Rompez.
JEAN
Et une bête monta de la mer.
ORDRE DU MOYEN LOINTAIN
Enchaînez.
LE MEDIUM
Il manque le chiffre, manque le maillon
Joignez vos mains, soudez vos volontés.
JEAN
Je vois ...
HYPPOLITE
Sais-tu pourquoi on ne trouve plus de carottes au marché?
Sais-tu pourquoi les astres ne de reflètent plus dans les étangs?
L'ORATEUR
Si six scies scient six saucissons,
LE DISCIPLE ZÉLÉ
Six cent six scies scieront six cent six saucissons.
LA FOULE ENTHOUSIASTE
Scieront six cent six saucissons!
ORDRE DU PROCHE LOINTAIN
Etablissez la connexion
LE NARRATEUR À LA VOIX DE FAUSSET
Ainsi les chiffres furent donnés.
HILARION
La catastrophe put s'initier.
JEAN
Je vois!
LE VIEILLARD
Seigneur, je te rends grâce pour ce qui me sera permis de voir et de rapporter. Accorde moi la constance, arme moi de courage, car ma conscience va franchir les limites de l'heure. Affermis ma raison afin que je puisse témoigner de ce qui va se faire pour ou contre toi.
HYPPOLITE
Sais-tu… ?
LE NARRATEUR À LA VOIX DE FAUSSET
Ils s'amusent cannibalement à l'aise, tout comme cinq cent cochons.
HILARION
Il n'y avait plus beaucoup de papier, alors Il a serré les Écritures.
LE NARRATEUR, triomphant
Ici un mot en vaut mille, une seconde pèse une éternité, et une éternité fuit en une seconde.
L'ORATEUR
Car nous sommes de grands orfèvres du temps.
HILARION, tirant sa révérence
Et ici commence, Mesdames et Messieurs, cet entretien.
Décodage de « Voix dans la nuit » en vue de la réalisation d’une installation vidéo.
Indications scéniques
L'Entretien débute dans l'obscurité totale. Sur un bruit obsédant, ressemblant à un sifflement d'où l’on distingue les un, deux et soixante six, des voix de l'au delà s'interpellent cependant que le nom de l'entité correspondante s'affiche sur deux écrans que l'on distingue à présent. Le premier est immense et sans doute distant, le second beaucoup plus proche est situé dans une sorte de cage vitrée. C'est une cabine qui contient les projecteurs et organes de contrôle habituels dans tout auditorium. La vitre insonorisée permet à l'oeil exercé de plonger dans une vaste salle octogonale dont le fond est constitué par le premier écran. Deux silhouettes sont tapies dans la cabine de projection.
Continuer à lire "Voix dans la nuit"
Thursday, 19 July 2007
Art vivant
Une application frappante de mon billet sur l'eau vive, est la création artistique. Il suffit de se promener dans les galeries et dans les musées même célèbres, pour constater qu'à côté d'oeuvres qui nous frappent et qui changent notre regard, on trouve des centaine d'autres qui sans être mauvaises, ni même médiocres, suintent l'ennui.
Le musée du Louvre est ainsi empli de centaines de mètres de cimaises où sont accrochées des peintures au bitume du XIXe siècle. Les figures sont exotiques ou mythologiques, les poses maniérées, les couleurs affadies par une sorte de clair obscur imitant l'ancien. Le temps s'est vengé en assombrissant encore ce qui l'était déjà trop et en avalant dans une nuit sans gloire, des épopées glorieuses, des portraits convenus.
Bruno Lussato avait acheté un Contraste de formes de 1913, * la meilleure époque de Fernand Léger. Son pédigree était impressionnant : il provenait de la galerie Louise Leiris et il était authentifié par Kahnweiler, le découvreur et marchan officiel de Picasso, Léger, et bien d'autres génies. Il avait été exposé par Berggruen où il avait fait la couverture du catalogue préfacé par le célèbre Douglas Cooper et l'affiche de l'expo. Mieux encore, il avait été sélectionné par le Guggenheim qui le considérait comme une oeuvre marquante de l'artiste. Un des spécialistes avait déclaré : "ce tableau fonctionne". Bruno Lussato avait analysé le tableau et avait conclu à son importance historique Mais je n'étais pas convaincue car pour moi, précisément, ce tableau ne fonctionnait pas. Il était statique, faible, sans vie. Je finis par convaincre Bruno de le vendre, car il ne tenait pas le coup devant des oeuvres de Klee, de Tàpies ou de Hartung qui faisaient partie de l'exposition. Lussato envoya la photo à Sotheby's qui, très embarrassé, répondit qu'il faisait partie d'un lot de faux Léger, fourgués à Kahnweiler. J'écrivis à Cooper qui avait préfacé le catalogue. Il répondit à l'encre rouge, ce qui est mauvais signe chez lui, que le tableau était en effet un faux et qu'il avait écrit la préface sans le voir !
* NOTE: Les Contrastes de forme de Leger sont des oeuvres héritées du cubisme, composées de cylindres, de cones, de figures au fort relief et aux couleurs élémentaires assez brutales : rouges, jaunes, bleus et blancs. Le faux Léger dérogeait à cette franchise des couleurs, il montrait des tons pastel et des dégradés qui n'étaient pas dans la manière du peintre. Il reste à se demander pourquoi les conservateurs du Musée Guggneheim; Berggruen le marchand le plus avisé, et bien d'autres, ne se sont pas aperçus de la fraude. La réponse est que la signature de Kahnweiler a orienté leur regard. Ils ont attribué à une innovation ce qui était dû à une maladresse du faussaire.
Les leçons à tirer de cet épisode sont doubles.
Continuer à lire "Le billet de Marina Fédier. N°3"
Saturday, 18 October 2008
CHRONIQUE
Faut-il s'y connaître?
Ce qui compte c'est la qualité, pas la quantité. Bien que les statistiques montrent des fréquentations plus qu'encourageantes, il y a très peu de commentaires. Il est vrai que moi-même je ne saurais comment m'y prendre. Mais un des internautes , Ben, a émis une réflexion qui m'a fait avancer.
"Montrer des specimens habilement choisis selon un parcours pédagogique, comme la présentation des monnaires de différentes époques peut être révélatrice d'une tendance générale? - Je serais partisan de cette orientation. Parvenir à percevoir des similarités entre des époques, des cultures et des objets différents est à mon sens plus intéressant et enrichissant. Cela correspond aussi beaucoup plus à votre manière d'aborder les choses, qui est de dégager des tendances de long terme, d'adopter une réflexion systémique. Amicalement, Ben le 17/10/2008 à 12:21"
De ce point de vue, l'étude des faux est très instructive. Ma longue carrière de "connoisseur" m'a appris à me méfier des conservateurs de musée, des marchands (souvent plus compétents pour les plus réputés), des "bonnes affaires", et des provenances douteuses pour les oeuvres modernes. Pour les oeuvres modernes, la provenance suffit à condition que la pièce ait passé par quelques collectionneurs illustres.
Le plus étonnant des cas fut certainement celui d'un Léger de 1913 que j'achetai à un excellent courtier Mme Stassart, spécialiste des oeuvres du plus haut niveau comme Vertu Noire de Matta. Le tableau avait la provenance la plus sûre qui soit, passé entre les mains de Claude Bernard, De Heinz Bergruen et surtout de la Galerie Louis Leiris représentant officiel de Picasso et de Léger. Le tableau avait été exposé au Guggenheim, avait été analysé par des érudits, et eu l'honneur d'une affiche et d'un catalogue préfacé par Cooper, le célèbre expert. Ma soeur ne l'aimait pas. Elle trouvait qu'il ne "fonctionnait pas", il manquait de vie... Je l'analysai : il était admirablement construit, d'une grande délicatesse de nuances, rare chez Leger. (et pour cause!) Ma soeur finit par me persuader de mettre en vente le tableau chez Sotheby, qui nous apprit qu'il provenait d'un lot de faux fourgués à Kahnweiler, le propriétaire de la Galerie Louise Leiris. On écrivit au préfacier du catalogue, l'arbitre ultime, Cooper, qui répondit à l'encre rouge (qu'il utilisait pour les mauvaises nouvelles) que c'était un faux. - Mais vous avez préfacé le catalogue ! - Oui, mais sans voir ce qu'il contenait !
Légalement, je ne pouvais me retourner que contre le dernier vendeur qui à son tour devait se faire dédommager par l'avant dernier et ainsi de suite jusqu'à Louise Leiris. Mais cette dame avait disparu dans la nature. Je consultai Louise Leiris. "En effet dit-elle, nous avons eu la malchance de tomber sur un lot de faux, mais heureusement c'est un cas unique!- Elle croisa les doigts pour conjurer le mauvais sort. " Mais vous devez me le remplacer ! - Oui, dit la dame, je vous rembourserai le prix que je l'ai vendu voici quinze ans. " C'est à dire une fraction de sa valeur actuelle.
Légalement elle avait raison, mais non moralement. Donnez-moi l'équivalent de cette époque en admettant que j'aie acheté un authentique. Je ne suis pas responsable de vos erreurs. - Elle me présenta des fonds de tiroir inacceptables. En fin de compte j'eus la chance de mon côté. On fêtait le centenaire de Kahnweiler, et j'écrivis un article sur Valeurs actuelles sur les faux, ou figurait le tampon de la Galerie et sa signature. Cela faisait désordre et grâce à un honnête courtier, M.Heim, j'obtins contre le retrait de l'article un grand dessin de Juan Gris qu'il me revendit aussitôt. Le Léger fut détruit et mes illusions aussi.
Plus tard je tombai sur des faux Wang Uyan C'hi et Chen Jo, trop beaux pour être honnêtes et qui finirent dans un prestigieux musée français, après avoir été rejetés par le De Young Museum de San Francisco alerté par mes soins. J'eus également une ciste étrusque qui avait subi les tests les plus poussés sur la composition du métal. Le grand expert n'était autre que le père de mon honorable assistant de l'époque, Bruno France Lanord. Mais tout simplement les échantillons prélevés étaient lacunaires, et une contre-expertise montra la présence d'aluminium dans l'alliage, ce qui est bizarre pour une pièce de la plus haute antiquité!
Il faut savoir que seuls 27% des peintures chinoises des musées occidentaux sont authentiques. Le contre-exemple qui ne nous rassure guère et que les experts ont qualifié de faux, des pièces authentiques comme le modèle en stuc du David de Michel-Ange. La plupart des erreurs provient de l'ignorance pratique, de la paresse, mais surtout des idées préconçues confortant les préjugés des experts. Ainsi les faux Vermeer de Meegeren ont été défendus par des érudits à qui ils apportaient la preuve dont ils avaient besoin.
Il y a aussi des experts transcendants qui connaissent seuls à fond un domaine, comme Jacques Kerchache que j'eus la chance de fréquenter. Il dépasse de loin tous ses collègues et il lui est facile de nous faire passer des vessies pour des lanternes. Après tout, ceux qui acceptent un faux, le méritent, disent les chinois et ils ont raison. Il est des gens qu'on a plaisir à duper!
Mais la notion de faux touche bien des domaines. Un exemple est l'interprétation musicale. Le premier mouvement de la Sonate dite "au clair de lune" Op.27 N°2 de Beethoven Quasi una fantasia, est une pièce à deux temps appartenant au genre funèbre. A la suite d'une inspiration marketing de l'éditeur, elle devint une musique si, basses trop présentes (glas funèbre) , triolets décrivant le clapotis des vagues, remis à leur place discrète d'accompagnement. Tous se rangèrent, même parmi les plus grands comme Kempff ou Backhaus à cette routine stupide. Mais ce soir j'eus la chance d'entendre un disque pirate de Backhaus, pris sur le vif, à son insu lors d'un concert en Amérique. Il joua l'oeuvre comme il se doit, et cela faisait frissonner de terreur et d'angoisse.(Carnegie Hall, 11 Avril 1956)
Il est rare qu'on puisse être connaisseur dans des domaines trop larges, à moins d'être un Horowitz ou un Cortot. Moi-même j'ai appris à déceler et à évaluer Klee et Schwitters, Mozart et Wagner, des oeuvres pointues comme les "Goldberg" de Bach, les sonates de Beethoven, un peu la numismatique et les instruments d'écriture. Mais dès que je m'écarte de ce domaine mes certitudes vacillent.
L'idéal serait d'être multispécialiste. Chaque musicien et chaque peintre de génie constituent leur propre langage, et chaque oeuvre majeure parle un dialecte particulier. De même qu'apprendre plusieurs langues donne une pratique de l'apprentissage des langues, de même approfondir plusieurs morceaux pointus et bien les apprendre fait qu'à la longue vous développez une sensibilité presque universelle. Il faut beaucoup voir et écouter longtemps la même oeuvre, beaucoup parler avec des sachants et éviter d'écouter les ignorants et les snobs, fréquenter les boutiques des musées et acheter quelques bons livres, c'est la recette pour progresser. A ce propos je conseille à des débutants, plutôt d'acheter d'encombrants coffrets "tout Mozart" ou "intégrale Bach" de se contenter de quelques disques bien choisis et les écouter des dizaines de fois. Mais surtout gardez vous de privilegier le côté ludique. Les grandes oeuvres demandent du respect, de la gravité, de l'empathie. Ce que vous perdrez en plaisir frivole, vous le regagnerez en joie inaltérable. C'est la différence qui fait la culture et qui est gage de développement.
Autrefois, j'ai écrit des livres sur les dimensions qui qualifient l'oeuvre d'art : l'intérêt du contenu, la perfection de la forme, la novation. Je me serais fait metrtre au ban par le héros du Cercle des poètes disparus, le film-culte qui a pour devise Carpe Diem.
Bruno Lussato
Ci-dessus : Grieg, Holberg suite Op.40, 1884, version originale pour piano par Helge Antoni.
Le thème principal du premier mouvement, dans la version pour orchestre, je l'écoutais tous les jours. Il servait d'indicatif à France Musique, si je ne me trompe. Il finit par m'obséder, d'autant plus que nul ne pouvait me dire sa provenance. Lorsque Helge Antoni joua l'oeuvre en mon centre des Capucins, je fus transporté. Des tas d'images m'envahirent. J'imaginai de romantiques et cruelles Idylles, sentiments, danses folkloriques, fausse gaîté teintée de nostalgie, déceptions amoureuses, sensualités, un monde que Lars Hall m'avait fait entrevoir en me décrivant les villages fleuris de roses de l'île de Gotland. Toute cette magie disparut lorsque j'entendis la version pour orchestre, plate et banale. J'ai entendu ce disque des dizaines de fois et il n'a jamais perdu son parfum mystérieux et cette évocation d'un passé qui n'a peut-être jamais existé.
Est-ce de la grande musique? Sans doute pas. Ce pastiche était méprisé par le compositeur qui parlait à son sujet de perruques. Et il existe peut-être un charme spécial lié à ces évocations du temps passé, ces imitations originales en dépit de toute intension. Richard Strauss a su admirablement exploiter ce régistre.
Tout cela pour vous dire l'importance du facteur personnel, des résonances mystérieuses de certaines mélodies comme Guantanamera, ou de belles chansons sentimentales.
Saturday, 1 November 2008
CHRONIQUE
AUTOUR DE "TRISTAN"
Si je vous ai fait faux bond si longtemps, ce n'est pas, que Dieu soit loué! pour des raisons de santé, mais à cause du réseau qui est tombé en panne pendant deux jours, effaçant des pans entiers de texte et d'images, qu'il m'a fallu reconstituer.

Bill Viola et Bruno Lussato

Kira Perov, Marina Fédier et Bill Viola.
Le texte que j'ai dû réécrire, a été à nouveau détruit. Le réseau orange est tombé une fois de plus en panne. C'est la raison pour laquelle, hélas, mes souvenirs sont devenus lacunaires. Vive le papier-crayon.
La répétition générale de "Tistan" avait lieu le 27 octobre à 18 heures. J'ai toujours considéré la mise en scène de Tristan et Isolde de Wagner par Bill Viola-Peters Sellars et à l'Opéra Bastille, comme le plus beau spectacle qu'il m'ait été donné de voir, avec le Ring de Chéreau-Boulez à Bayreuth en 1976-1983. Mais alors que cette dernière production est enregistrée en DVD et fort bien enregistrée, l'interprétation de Viola risque d'être perdue pour la postérité.
Impossible d'avoir une seule place pour la répétition générale. J'ai alors envoyé la veille un fax à Kira Perov qui venaient d'arriver à Paris. Elle m'invita aussitôt à déjeuner le lendemain, avant la répétition avec Marina. L'accueil fut exceptionnellement chaleureux, comme d'habitude, et je devais revoir Bill et Kira Vendredi avant leur départ pour Los Angeles.
Les conversations portèrent sur Tristan et sur un entegistrement possible du Ring de Viola. La veille de la dernière du Ring par Bob Wilson, le trouvai les fonds pour enregistrer la performance. Cinq DVD furent édités, avec interdiction de les divulguer, sauf à des fins professionnels d'enseignement et d'éxégèse. Mon exemplaire ira à la Fondation de Uccle en Belgique. J'y reviendrai.
Je mis toute ma force de conviction pour persuader Bill Viola d'en faire de même, m'engageant - un peu témérairement - de lui procurer les fonds nécessaires. Mais la partie n'est pas gagnée. En effet un élément majeur est la dimension, notamment l'écran du troisième acte est vertical, ce qui ne se prête guère à nos écrans à plasma qui sont horizontaux. Mais nous finimes Viola et moi par tomber d'accord sur l'évolution de la technique et du home cinéma pour résoudre ce problème somme toutes conjoncturel. L'important est de sauver le spectacle, le plus émouvant, le plus beau du monde. N'oublions pas que Viola est un des cinq artistes vivants et que Tristan est son oeuvre maitresse. Cinq heures de video, c'est quand même quelque chose. Je hurle alors "chef-d-oeuvre en péril !"
Présenter l'intrigue de Tristan dans ce billet serait dépasser son but. Mais j'ai l'intention de m'y atteler lors d'un prochain article. D'ici là il est indispensable que ceux qui veulent comprendre mon analyse se procurent un bon commentaire de l'oeuvre, comme celui qui figure dans Le Guide des opéras de Wagner 1994 et l'interprétation magistrale de Furtwängler-Flagstad chez EMI

Bill Viola était emballé par les nouveaux projecteurs installés à l'Opera-bastille. Comme Bob Wilson il accordait la plus haute importance
à la justesse des couleurs.
Il estima qu'on avait atteint la perfection.
Nous parlames longuement de la complexité et de l'ambiguïté de l'oeuvre qui se lit à plusieurs niveaux. Il expliqua les images du premier acte comme un rite de purification qui montre la signification cosmogonique de l'histoire au premier degré, interprétée dans un style dépouillé de Nô japonais par des acteurs en chair et en os qui font le minimum de gestes pour figurer l'action. Viola insista sur le haut degré d'intégration entre le texte, l'image, son image, la musique. De ce point de vue le nouveau chef russe comblait toutes ses attentes. Il avait saisi immédiatement son propos par sa neutralité et la précision de sa direction: chaque note était à sa place, comme chaque couleur.
De cette précision extrême, de cette intégration totale, naissait l'émotion insoutenable qui se dégage en ondes puissantes et perturbantes du spectacle. Wagner disait que bien interprétée et bien perçue, le drame devrait rendre les spectateurs fous, les pousser au suicide, surtout à partir du deuxième acte, le plus émouvant, centre magique de l'oeuvre. J'ajouterai le niveau de culture et de disponibilité du spectateur, car nombreux étaient les spectateurs qui ravis du spectacles souriaient de plaisir ou émettaient des jugements snobs sur la banalité des images de mer déchaînée. "obvious, mon chêer!".
Wagner savait fort bien finir un acte. Ou après une longue et lente attente, où le temps est comme suspendu, l'action s'accélère et la fin tombe comme un couperet (1er et 2ème actes) ou la musique se dissout dans le cosmos et rejoint tout doucement, par vagues déclinantes successives, le silence (IIIème acte). L'imagerie de Viola suit exactement cette règle. Le rythme intérieur de ses images sont accordées à la sourde pulsation intérieure de la musique et du poème.
Lors de la répétition générale, au trois-quarts des deux derniers actes, je fus étreint d'une émotion pénible. Je saignais du nez, ma tête était prise dans un étau, les larmes m'étouffaient. Pour diminuer cette souffrance j'essayai de distraire mon attention, de penser à quelque épisode comique,mais en vain. La musique, les images, m'envahissaient comme des flots mortifères. Bill Viola vit mon émotion et m'embrassa longuement sans un mot. Ce fut un moment inoubliable, et rien que d'y penser j'ai les larmes aux yeux. Le lendemain ,avant son départ nous eumes encore un meeting avec ses agents de Londres Haunch if Venison représentés par Graham Southern, un esprit vif et ouvert, pour examiner les possibilités d'enregistrement de l'oeuvre.
Continuer à lire "Le journal du 25 octobre 2008"
Friday, 5 October 2007
La bibliothèque d'Art
Pour Christine
...pour les enfants
Billet réactualisé et complété
L'avantage théorique des ouvrages d'initiation pour les enfants, est qu'ils sont facilement abordables pour les adultes et qu'ils sont tenus à une obligation de clarté. Ils partent du point de vue que l'enfant ne sait rien, qu'il est facilement dissipé et attiré par des jeux vidéo, ou des amusettes et que par conséquent il faut inventer une présentation attrayante, faisant appel à sa curiosité afin de l'emporter sur une concurrence toute puissante. Par ailleurs, ces ouvrages vont vers l'essentiel, les bases, puisque l'enfant est supposer tout ignorer de l'art.
Or ce qui est vrai pour l'enfant l'est aussi pour la majorité des adultes. L'école les a laissés en friche du point de vue artistique, au point que le homard de Vinci et Mickey L'Ange ne sortent pas d'un sottisier mais de copies du bac. Au cas où par miracle, des gens même éduqués auraient autre chose qu'une vague notion des tableaux du Tintoret, de Rubens ou de Klee, ce ne serait jamais qu'un souvenir superficiel. Les queues innombrables qui défilent dans les expositions internationales, les yeux mornes, les jambes pesantes, ne retiennent des oeuvres surabondantes que de vagues impressions ainsi que le montrent des interviewes et des sondages que j'ai effectués tout au long de ma carrière.
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